Voici une petite énigme. Lisez-là attentivement, puis répondez à la question en suivant votre instinct, et notez votre réponse :
Nous avons un groupe de 100 personnes, parmi lesquelles 30 sont des avocats, et 70 des ingénieurs.
Choisissons au hasard un individu dans ce groupe. Il s’appelle Dick.
Dick est un homme de 30 ans. Il est marié et n’a pas d’enfants. C’est un homme capable et très motivé, qui est promis à une grande carrière. Il est très apprécié de ses collègues de travail.
Question : Quel est le pourcentage de chances que Dick soit un ingénieur ?
Énigme subsidiaire, à faire après avoir répondu à la première :
Nous raccompagnons Dick dans le groupe, puis nous choisissons à nouveau une personne au hasard. Il s’appelle Joe.
Nous ne savons rien de Joe.
Question : Quel est le pourcentage de chances que Joe soit un ingénieur ?
Votre réponse
Qu’avez-vous répondu à la première énigme ?
Il semblerait que les sujets de l’expérience aient majoritairement répondu : 50%. Or il s’agit d’une erreur. Pourquoi, à votre avis ?
La bonne réponse
Prenons la deuxième énigme. Nous avons un groupe de 100 personnes dont 70 sont des ingénieurs. Il est donc plutôt évident que si l’on prend une personne au hasard, les chances que cette personne soit un ingénieur sont de 70/100, soit 70%.
Quelle est la différence entre la première et la seconde énigme ? Dans la première, nous avons une description de la personne choisie, Dick. Cette description ne nous donne aucune indication quant à l’activité de Dick. Elle ne doit donc en aucun cas influencer le résultat, qui doit être le même que pour Joe, à savoir 70%.
Ce que cela nous apprend
Pourquoi une simple description, pourtant sans rapport avec la question, peut-elle à se point nous induire en erreur ?
Il semblerait qu’instinctivement, on oublie les lois les plus basiques de probabilité dès lors qu’une autre information, qualitative, nous est donnée.
Et encore, dans cet exemple très basique, l’importance des probabilités semble évidente. Mais considérons l’énoncé suivant :
Steve vit aux États-Unis. Il est timide et introverti, il aime apporter son aide, mais il est en décalage avec la réalité. Il est précis, méticuleux et très ordonné.
Pensez-vous que Steve ait plus de chances d’être agriculteur, ou libraire ?
Pour répondre à cette question, instinctivement, nous nous basons sur le taux de ressemblance entre Steve et le stéréotype de chaque profession. Nous avons donc tendance à répondre qu’il a plus de chances d’être libraire plutôt qu’agriculteur. Pourtant, nous devrions en premier lieu considérer le nombre d’individus exerçant chaque profession au États-Unis, où il y a beaucoup plus d’agriculteurs que de libraires.
Conclusion
Soyons vigilants lorsque nous devons évaluer des probabilités ! C’est loin d’être instinctif, et nous commettons souvent des erreurs.
Et vous, êtes-vous tombé dans le piège ? Avez-vous réussi à piéger vos proches ? Qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à réagir dans les commentaires !
Pour aller plus loin
Cette expérience est directement tirée et honteusement recopiée de « Judgment under Uncertainty: Heuristics and Biases » de Amos Tversky et Daniel Kahneman. Il s’agit d’un essai passionnant sur les erreurs systématiques que nous commettons lorsque nous devons évaluer des probabilités. J’essaierai de partager d’autres de leurs expériences, mais si vous maîtrisez l’anglais, je vous invite grandement à lire cet essai.
Je découvre ce site en tapant dans Le moteur de recherche « blogs pour réfléchir ». Je publie moi-même des articles pour faire réfléchir (par exemple http://www.electroprevention.com/2015/02/ntic-le-pret-a-penser.html). Mon point de départ est une pathologie dont je souffre depuis dix ans et qui va en s’empirant: l’électrohypersensibilité. Dans un contexte d’irradiation massive par les ondes électromagnétiques qui empêchent justement le cerveau de fonctionner (avec les pollutions chimiques, les pollutions des écrans, l’utilisation massive et irréfléchie d’outils sensés nous aider… à ne pas réfléchir).
Je n’ai rencontré aucune difficulté à répondre à ce test. Je m’attendais à quelque chose de vraiment difficile. J’ai bien lu la phrase « Choisissons au hasard un individu dans ce groupe », sinon, j’aurais répondu qu’on ne pouvait pas savoir. Le livre de la mémoire d’Alain Lieury (magnifiquement illustré) m’a beaucoup aidé à comprendre comment fonctionnait notre cerveau. Par exemple, pour expliquer la difficulté qu’on rencontre quand on sait qu’on a déjà vu une personne mais qu’on n’arrive pas à mettre un nom dessus. Alain Lieury explique que la reconnaissance faciale est encodée à l’arrière du cerveau, alors que les noms (mémoire sémantique) sont encodés sur les parties latérales. Entre les deux, de neurones en neurones, il y a la distance Paris-Tokyo !
Cordialement,
Jérémie Foëx
Bonjour Jérémie et merci de vous être intéressé à mon site.
Il est vrai que cette première expérience est assez simple pour ceux qui ont l’habitude de se méfier de leurs premières impressions, et pourtant les personnes ayant conduit cette expérience dans un cadre plus scientifique ont obtenu des résultats qui montrent que beaucoup se font piéger.
Si vous êtes intéressé par l’esprit critique, je vous invite à consulter les autres articles de mon blog. Concernant l’électrosensibilité, j’ai trouvé un article intéressant : http://lepharmachien.com/ondes/ J’espère que cela vous aidera.